Utilisateur:Monsieur Brouillon/Désency, or did you mean demency ?
Desency, or did you mean demency ? est une question fréquemment posée à tout nouvel arrivant sur le sol anglo-américain. Il s'agit d'un test minutieux et élégant permettant de déterminer d'un seul coup l'origine, la légalité et la sagacité de son interlocuteur, en se reposant sur sa maîtrise du langage aérien de nos studieux voisins d'outre-manche. Outre son caractère anodin, et par conséquent incitant peu à la défiance, la phrase permet d'exercer sa diction de la langue de Shakespeare d'une manière aussi simple et ludique qu'utile et efficace. L'effort déployé pour en élaborer la réponse constitue en effet un filtre valide pour sonder agréablement la tranquillité d'esprit du questionné.
Ainsi, s'il n'a pas la conscience paisible, on observera sans heurt les symptômes suivants, dans l'ordre : sudation ; bégaiement ; tremblement ; tics nerveux ; embrouillement de la volonté ; récit inconsistant et propice à la contradiction ; bouche sèche ; conduite en état d'ivresse (optionnel) ; non-déclaration de travail ; permis de construire frauduleux ; détournement de fonds ; vol de données d'un hôpital psychiatrique ; usurpation d'identité ; séquestration d'un membre du personnel médical ; attentat à la pudeur dans un lieu public en présence de malades ; dédain perpétuel à l'encontre des règles de sécurité ; violences multiples perpétrées par l'insertion d'aiguilles... Madame... Madame ! Comment voulez-vous que je trouve l'aorte si vous ne cessez de gesticuler ? S'il-vous-plaît.
Notez que ce n'est pas toujours le cas, bien sûr.
Cette technique d'interrogation, écoutez bien, a été de longtemps utilisée parmi les peuples Grecs, au cours de la période mycénienne, où elle remplaçait avantageusement le supplice de l'ordalie. Paradoxalement, il arrivait que la victime se mordît la langue, sans que les conséquences de cette imperfection nous paraissent si terribles, au regard balancé de ses nombreuses qualités. Nous vous invitons à en constater par vous-même - oui, vous, lecteur ! - l'efficacité, simple mais redoutable.
Alfred Hitchcock réalise : Demency, obviousely. Vous savez, ça n'arrive que dans les films, que les gens se laissent prendre à ce genre de chausse-trappes. |
Un calmar géant: Squeeeeee ! |
Alfred Hitchcock, maître de l'épouvante : Ah oui ? Et... par qui donc ? |
- Hummm... Bon , à ce stade, l'histoire ne semble pas se dérouler comme prévu. Tentez de rattraper le coup. Alfred Hitchcock est un cinéaste, et son esprit foisonnant le conduira à tenir pour vraie la plus élégante et astucieuse des possibilités, sans se soucier de son exactitude.
- Voilà, très bien. Vous voyez que la vue du scalpel vous aide à improviser.
Alfred Hitchcock réalise, peint ou crée, car c'est un cinéaste, et un cinéaste est tout ce genre de choses à la fois : Et quel genre de "choses", je vous prie ? |
Quoi ? Mais... Je vous en prie, tenez-vous en au texte ! Comment voulez-vous que je vous lâche en public !
Alfred Hitchcock présume : Euh... Oui... Vous savez, j'ai ici deux tickets pour Disneyland : un pour vous, le deuxième pour vous également, chanceux ! « Asile d'aliénés du Havre » ? Mais cette nouvelle attraction m'a l'air fantastique ! Que je brûle de vous y emmener ! Venez, cela vous ferait prendre l'air ! Non ? Eh bien, il va falloir faire un petit effort dans ce cas, si vous voulez mon avis. |
Alfred Hitchcock réalise : Êtes-vous en train de me dire que vous sentez, pour ainsi dire, comme la pellicule de vos souvenirs, coupée en plein milieu ? Le mécanisme de projection continuant à tourner à vide, par-delà le récipient réflecteur de votre volonté... Et que, mettons, le grille-pain de votre conscience... |
- N'en faites pas trop tout de même. Laissez-le mariner un peu.
Alfred Hitchcock s'enthousiasme : Ah ! Ah ! Nous y voilà ! |
Alfred Hitchcock investigue : Naturellement. |
Alfred Hitchcock analyse : Voyez, tout s'arrange. Vous avez appris de vous-même, de votre propre malheur. Ne sentez-vous pas l'ivresse d'une ambition nouvelle étirer vos poumons ? |
Alfred Hitchcock, touché par la main du destin : Je ne m'en ferais pas trop si j'étais vous. Je profiterais un peu de l'existence. Après tout, je ne serais pas condamné à mort pour un terrible meurtre à la moissonneuse-batteuse que je n'ai pas commis, sentence visant à épargner le vrai coupable, qui se trouve être la sœur jumelle cachée du gouverneur de Washington. |
Alfred Hitchcock présume : Oups. Oups. Oups. Moi ? Non. Qu'est-ce qui vous ferait dire ça ? |
Un calmar géant: Squeeeeeeee ! |
Alfred Hitchcock présume : Que diable cet homme saute à des conclusions hâtives et qui desservent la haute estime que j'avais de son esprit. |
Vous voyez ? En moins de temps qu'il n'en faut pour noyer un fox-terrier, vous avez prouvé à Alfred Hitchcock qu'il était mort, qu'il avait retrouvé le chemin du monde terrestre en se réincarnant dans le corps musculeux d'un animal des profondeurs amateur de cabillaud, et déjoué un complot mondial.
Oui.
Titanic : le fléau des profondeurs
Alfred Hitchcock expose sa vision du cinéma : Il faut savoir finir sur un point d'orgue. La tension, voyez-vous, doit s'installer progressivement. Entre certitude et doute, appréhension et horreur, sans jamais, bien sûr, céder à la tentation la plus vulgaire, celle de montrer directement l'objet d'angoisse... C'est cela, cet équilibre subtil et insaisissable qui doit être toujours sur le point de se briser, mais - sur le point seulement... Cet état fugace, donc, qui inspire à l'humain ses sentiments les plus riches et les plus complexes, ceux qu'un bon réalisateur tentera de révéler. Il faut, en fait, chercher à prolonger son action le plus longtemps possible, afin de lui donner la possibilité de déployer toute son influence. Bien sûr, ça n'est pas aisé. Le spectateur est rusé, il a de l'expérience, il sait où on veut le mener. |
...et là, gros plan sur mon tentacule gauche... Une demi-douzaine de mètres peut-être... Mon tentacule donc dont les gros muscles noués et saillants enserrent fermement l'hélice hoquetante de l'orgueilleux vaisseau... On devra entendre les craquements du métal qui cède, pouce après pouce, comme pressé sous l'effet d'une force inimaginable... À ce moment, un rugissement s'élèvera des profondeurs ! Mais qui donc est ce colosse, cet Hercule, ce héros, ce Rocky Balboa des abysses ? Le suspense est à son comble... Un autre gros plan... Champ, contre-champ sur l'iceberg qui file le long du ponton tribord... |
Ainsi, si la trame du scénario est conservée, de nouveaux enjeux, tels que l'égalité des races dans une Amérique profonde toujours marquée par la division entre pro-accouchements et fervents ovovivipares, acquièrent une grande importance dans les échanges entre les personnages.
Un casting épastrouillant
L'on verra également apparaître des hôtes discrets mais de marque : ainsi, le serveur qui renverse une margarita sur les genoux du capitaine (noir) n'est autre que George W. Bush, qui trouve ainsi l'occasion d'un petit clin d’œil à son inspirateur Abraham Lincoln. Les amateurs d'ironie dramatique ne seront pas en reste, qui noteront la courte mais profonde réplique de Pachiri, macaque au zoo de Vincennes, au début du film, lorsque l'immense paquebot largue les amarres : « La fierté d'une nation ne réside pas dans son la qualité de son armement, mais dans la vaillance de son peuple. ».
Michel-Ange crée : | |
C'est le nouvel Alfred Hitchcock. |
Michel-Ange crée : | |
Parle, mon enfant. |
Michel-Ange crée : | |
C'est parfaitement exact. |
Michel-Ange crée : | |
Je devine ton trouble. Il s'agit en réalité du produit d'un concours de circonstances tout à fait cocasse. |
Michel-Ange crée : | |
Il s'avère que quelqu'un a convaincu Alfred Hitchcock qu'il n'était pas mort, et qu'il était en réalité un calmar. |
Michel-Ange crée : | |
Eh oui, n'est-ce pas extraordinaire ? Mais je me méfie de cette version... officielle de l'histoire. Le passé de notre pays n'a-t-il point prouvé à maintes reprises que le peuple n'est souvent que le jouet des puissants, et que ces derniers sont passés maîtres dans l'art de contrôler ce que les moutons pourront bien entendre, voir ou sentir, façonnant d'une main de maître leurs pensées et leurs croyances, usant pour ce faire de tout un arsenal subtil, suffisamment pour que les trop honnêtes citoyens ne se doutent de rien ? Converser avec des morts - n'est-ce pas le premier signe de la folie furieuse ? |
Michel-Ange crée : | |
...je pense en réalité que le lecteur a convaincu un calmar qu'il était Alfred Hitchcock, et que celui-ci, plus qu'enthousiaste de voir son identité secrète enfin révélée, a aussitôt décidé de poursuivre sa carrière dans le milieu marin underground, comme on dit. |
Michel-Ange crée : | |
Je trouve cela beaucoup plus logique. |
Michel-Ange crée : | |
Cette interprétation acquiert un sens nouveau que mes oreilles agréent. |
Michel-Ange crée : | |
J'ai de bonnes raisons de penser qu'il s'agit là de l'explication la moins éloignée asymptotiquement de la réalité. |
Michel-Ange crée : | |
L'évidence de cette hypothèse m'apparait, par son élégance, de plus en plus ravissante à mesure que j'en étudie l'agréable teneur. |
Michel-Ange crée : | |
De plus, je suis certain que le film est excellent. |
Alfred Hitchcock réalise : Dammit ! Démasqué ! |
C'est ainsi qu'Alfred Hitchcock se fit confondre une seconde fois, ses plans diaboliques pour instaurer une domination mondiale et restaurer le bon goût des films d'auteur déjoués, ainsi que sa tentative audacieuse mais un peu ridicule pour se faire passer pour vivant alors qu'il ne l'était pas, sans pour autant qu'on le considère comme un mort-vivant, un mort-mort-vivant, un mort-mort-vivant-mort, ou une quelconque fraction rationnelle de morts et de vivants. Il était mort, point. L'histoire était terminée.
Mais, l'était-elle vraiment ?
La fin de l'Histoire
Mais, quel profil bulbeux agite l'océan ? Quelle tempête s'invoque, à l'horizon, dans les ténèbres outragées ? Oh, j'entends un cri...
Cavalcade ?
G. W. F. Hegel dialectise : Je proteste ! |
Pardon ? Qui êtes-vous ? Vous a-t-on jamais appris à frapper avant d'entrer ? Et puis les boîtes ça va bien une minute... Vous maculez toute ma page, là.
G. W. F. Hegel dialectise : Tout le monde sait que l'Histoire est finie. De plus, j'étais là depuis le début. Je ne trouvais pas le moment opportun pour l'éclat de ma vive colère, c'est tout. |
Ah, mais il ne s'agissait que d'une technique narrative, une amorce pour ainsi dire, un artifice psychologique qui fut employé, déjà, de longue date, dont on retrouve même les traces chez les Antiques et dont le but était de surprendre...
G. W. F. Hegel dialectise : Il y a des gens sérieux qui essaient de se concentrer, et qui s'estiment en droit d'attendre autre chose d'un média correct, splendide et matutinal comme le vôtre, que de sempiternelles balivernes naturalistes... |
Ah ? Vous vous concentrez ?
G. W. F. Hegel dialectise : Bien sûr. Je suis tel que vous me voyez sur le point de dépasser la division qu'établirent aveuglément mes prédécesseurs entre le mur et la brique, arguant stupidement que si le mur avait besoin d'une grande quantité de briques pour exister, cela prouvait bien que le mur n'était pas brique, et réciproquement, car sinon il eût bien fallu que le mur fût constitué d'un grand nombre de lui-même, aboutissant à une contradiction évidente... à moins, à moins - et c'est là une idée de génie, en toute modestie - que l'on considère un mur infini, formé donc d'une infinité de briques. Bien sûr, une infinité de mortier serait alors nécessaire pour sa tenue, mais il ne s'agit là que d'un détail que je m'en vais promptement régler par une vertueuse et légère note de bas de page. |
Mais non, pas du tout. Vous êtes un fieffé gredin. Vous ne vous concentrez pas, pas du tout, là. Vous voyez bien. Vous passez complètement à côté du problème.
G. W. F. Hegel dialectise : Vous verrez bien, incrédule. Regardez, je rassemble mes esprits... Hmmmf... |
Euh...
G. W. F. Hegel dialectise : Et... |
Eh, mais ça ne serait pas...
G. W. F. Hegel dialectise : Tadaaa ! |
Alors oui, c'est impressionnant comme vous avez fait disparaître discrètement cette tasse en argent qui appartenait à ma grand-mère. Vous êtes un grand dialectri... diali... un grand illusionniste.
G. W. F. Hegel dialectise : Oui. |
Hors d'ici, vaurien !
Depuis ma plus tendre enfance j'ai su que je voulais faire du cinéma. Déjà dans mon œuf, je triturais ma poche à encre plus que de raison. Ce qui faisait cocassement dire à ma mère : « OoooOoOorghrBllchlblbl... » Eh oui, j'étais alors un gamin plein de fantaisie, aimable et doux cependant, et tout à fait brillant lorsque j'amenais la grande enveloppe luisante de mon manteau galbé au soleil, pour accompagner la grande migration quadrannuelle. Je ne sais pas comment tout cela va se terminer - si cela va se terminer un jour, car la gloire ne meurt pas ; mais je tiens pour assuré désormais que, quelle que soit la difficulté de la tâche, je serai capable de... |
G. W. F. Hegel dialectise : Une fin ouverte ! Damned ! Euh... Non ! Non ! Je voulais dire : Mein Gott ! C'est ça ! Non ! Ne me faites pas de mal ! Aaaahhh !! Je suis allemand ! Je suis allemand ! |
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Happy end
Alfred Hitchcock vocalise : Hrmmm... Très bien, veuillez m'excuser un bref instant. hum, Hum, Hum. Do, La, Do, Sol, La. Aaaaah... « Le sujet semble ne pas réaliser l'insanité de ses délires. Non content de se croire la victime impuissante d'une persécution inépuisable de la part d'acteurs obscurs qu'il ne parvient pas à nommer - tant sa capacité cognitive inférieure ne lui autorise sans doute pas de pareilles fantaisies réservées aux êtres supérieurs à l'invertébré nuisible de base - il vient de postillonner sur ma cravate, qu'on ne voit presque pas, mais tout de même. Entre nous, je pense qu'une euthanasie lui ferait le plus grand bien. Fin du rapport quotidien. » Vous disiez ? |
Alfred Hitchcock tempère : Je vous écoute, mon cher. Sachez que vous ne trouverez ici que des oreilles amies. Oh, oui. |
Alfred Hitchcock investigue : J'ai un peu de mal à la tête depuis quelque temps. Ce seul fait rend déjà déplorable et honteuse les mesquines et pitoyables tentatives de me causer du tort en continuant. Particulièrement ce coup au larynx que vous me donnâtes céans, qui me fait particulièrement souffrir. Sans parler du grille-pain que vous écrasez en ce moment même contre mes jolies phalanges, dont la pulpe flamboyante se dégage avec une vigueur effrayante des nerfs excoriés, vibrant d'un feu terrible, comme projetant hors de mon corps assombri la vertigineuse flamme de cette révélation : oui, vous êtes bien monstrueux. Voici, cependant, que vous vous relevez, dressé par-dessus mon bassin terrassé par le choc antique de cette superbe vasque de bronze du IIIe siècle que vous levez entre vos mains, altier et farouche, abattant à grand efforts régulier son poids meurtrier sur le corps blêmi d'un vieillard, crevant la peau légère de vos doigts enfiévrés par la trop grande violence du mouvement, sans vous en rendre compte, tant la douleur infligée sottement, le caprice ultime d'un esprit labile, vous est par trop enivrant, vous faisant par le hasard du crime rejoindre le berceau de cet absurde, ardent univ... |
Alfred Hitchcock, inventeur du cinéma moderne : Couic. |
Alfred Hitchcock posthume : Et c'est ainsi, mon cher, que je décédai finalement, de mon audace certes, mais particulièrement et principalement d'une laryngite qui connut quelques complications. |
Atroce. |
Alfred Hitchcock posthume : Alors que je cherchais simplement à ajouter un peu de piment à son existence si fade et si triste. Le pire, à vrai dire, était qu'il n'envoya même pas de lettre de rupture à mes tendons. Sans nouvelles du jour au lendemain. On a beau s'y attendre, ça fait toujours mal... |
Oui. D'ailleurs, j'ai trouvé un billet. C'est pour vous ? |
Alfred Hitchcock posthume : Faites voir... « Desency, or did you... » Hum ! |
Mauvaises nouvelles ? |
Alfred Hitchcock posthume : Rien, rien, rien. sans doute une erreur. |
Allons, vous savez que je ne peux rien me cacher. |
Alfred Hitchcock posthume : J'ai pourtant essayé de me dissimuler derrière mon dos. J'ai toujours été de forte carrure. |
Alfred Hitchcock observe : Vous essayez de noyer l'oiseau. C'est aussi difficile que pour un poisson, seulement il faut aussi l'attraper, puis le plonger de force ou de gré dans la profondeur vigoureuse d'un océan, d'une mer, d'un lac ou du bol de Nesquick saturé en sucres rapides, complexes et intermédiaires que votre petite sœur boit habituellement le matin. La pratique de ce sport combine donc la difficulté de la marche aérienne soulevée et de la nage entre deux eaux. C'est pour cette raison qu'il est actuellement considéré sans conteste comme étant le plus dangereux du monde, devant le bear-knitting, le base-ball australien et l'empalement volontaire contre des arbres centenaires de moins de vingt-cinq pieds de haut infectés par la gale du tremble. Et c'est également ainsi que, dès 1910, le baron Pierre de Coubertin condamnait hautement la pratique inconsidérée de la discipline, qui depuis sa création avait selon lui « tué, défait, écrasé, moulu, perdu, déchiré, brisé, éparpillé au loin, anéanti terriblement, détruit, englouti par centaines, soufflé, dilacéré, les multiples et douces fibres exotiques de mon grand nœud papillon bleu en soie de Mongolie, mon préféré... » |
Alfred Hitchcock posthume : Mais je le sais bien mon ami, ne vous souvient-il pas que j'ai été moi-même, dans mon jeune temps, joueur dans l'équipe nationale de Washington ? Ah, c'était le bon temps. Lorsque, après la pluie, nous sortions emplir nos poumons d'air pur sur le terrain détrempé, que, cuisants et vigoureux, nous nous essayions à envoyer nos camarades le plus loin possible dans l'océan ! Que de souvenirs radieux ! Vous savez également que c'est là que je perdis ma cravate, d'ailleurs, et que c'est cette douleur jamais consolée qui me poussa à exprimer mes émotions par le cinéma... |
Bien sûr, mais je me faisais un scrupule d'éclairer le lecteur sur ce point crucial de notre vie. |
Alfred Hitchcock posthume : Comment ! Comment ! Il est ici ? |
Mais oui. Où voudriez-vous qu'il fût ? |
Je ne sais pas. N'importe où plutôt qu'ici ! |
Par exemple, c'est d'une inanité rare. Le lecteur, par définition, lit. Reprocheriez-vous à l'oiseau de voler ? Au feu de brûler ? Au vide de viser ? À la girafe de ... |
Alfred Hitchcock posthume : Qu'importe ! Qu'il s'écharpe ! Que j'échappe à ma destinée ! Mon royaume ! Mon royaume pour un plot-twist ! |
En attendant, il nous observe, soyez-en sûr. |
Alfred Hitchcock posthume : Où le voyez-vous ?... |
Juste là. |
Alfred Hitchcock posthume : Ah non ! Ah non ! Vite, vidons les lieux ! Je ne souffrirai pas de partager la même pièce que ce cuistre ! |
En ce moment même, eh oui. Et personne - personne - ne peut savoir ce qu'il fait, lui, en vous regardant. |
Alfred Hitchcock posthume : Non, cela est par trop cruel ! Fuyons ! |
Mais c'est impossible, mon cher. Nous n'existons que par l'action médiate de sa pensée. Sans lui, tout s'écroule, nous nous évanouissons comme si nous n'avions jamais été. |
Alfred Hitchcock posthume : Vous m'étonnez, mon cher. Je ne vous pensais pas capable de céder si tendrement à ces fadaises dialectiques. Le monde ne se découpe pas en instantanés, que diable. Imaginez-vous quelqu'un s'ingénier à singer ainsi la continuité morale de personnages aussi abscons et stupides ? |
C'est donc qu'il s'agit d'une illusion. |
Alfred Hitchcock posthume : Vous soutenez que cette banane... Ce fruit souple et tendre que j'étale sur mon crâne, dont la chair pénètre mes narines... |
Bien sûr qu'elle n'existe pas. Vous imaginez ? Une banane ! Quelle bonne blague ! On n'a jamais revu de bananes depuis la grande canicule de 2008. Comme les oies, elles migrèrent, mais au-delà de l'équateur, ce qui fait que l'on n'a jamais eu l'occasion de les retrouver, malgré les nombreuses expéditions lancées par les Républiques bananières qui ne firent que piétiner. En passant, on vit aussi disparaître l'ordre des Jésuites presque simultanément, sans doute parce qu'ils pensèrent que le péché phallique était enfin sorti du monde. Une banane ! C'est idiot. |
Alfred Hitchcock posthume : Et à quoi pense-t-on ? Moi, je pense qu'on pense à des éléphants. Ne serait-ce que pour arrêter de pense à des oiseaux. C'est bien les éléphants : ça ancre. |
Dites, c'est amusant, vous savez à quoi je pense ? |
Alfred Hitchcock posthume : Oui. |
Ah. Hum. Bon... Bien. Alors... D'accord. |
Alfred Hitchcock posthume : Inutile de le mentionner alors. Ce serait lui faire trop plaisir. Partons. |
Vous savez que cela signera notre fin à tous. |
Alfred Hitchcock posthume : Je ne suis pas si nombreux que cela. La perte ne sera pas grande. |
Comme vous voulez. |
Alfred Hitchcock posthume : Adieu, monde en cruel déficit d'éléphants ! |
Desency, or did you mean demency ?
Demency. My goodness !