Culture classique
Cet article existe aussi dans le dÉktionnaire et est disponible uniquement sous licence CC-BY-NC-SA de Creative Commons. |
La culture classique est l'ensemble des connaissances inutiles que l'on apprend pour humilier sa boulangère qui ne sait pas qui a gagné la guerre des Deux-Roses. En général on l'apprend à coup de lattes dans un collège de jésuites.
Éléments de culture classique
De quoi est constituée une culture digne de ce nom ? En premier lieu, de choses sans intérêt : des langues mortes, de la connaissance de bidules disparus depuis plusieurs siècles, des blagues de gens morts. De façon générale, de choses obscures. En tout cas suffisamment pour que votre interlocuteur ne sache pas de quoi vous parlez.
Le latin
Quand on a une culture classique, on a fait plusieurs années de latin. C'est un élément indispensable. On peut donc facilement briller en société avec des aphorismes qui en jettent. Il y a en tout et pour tout trois auteurs de langue latine.
Jules César
Jules César n'a écrit à ma connaissance qu'un seul livre. Ah je vous vois venir, vous croyez que c'est Astérix. Mais non, inculte que vous êtes. Jules César a écrit les pages roses du dictionnaire. Par chance, c'est une édition bilingue. Il vous sera donc facile d'y puiser quelques phrases bien senties qui feront se pâmer d'admiration votre voisine que vous regardez avec votre téléobjectif le soir. Ça lui apprendra à mettre des rideaux à la fenêtre de sa salle de bains.
Un exemple : Partibus factis leo verba fecit. Se dit quand, une fois les parts faites, le lion parle. Rare mais pratique quand l'occasion se présente.
Sénèque
Sénèque, auteur du dimanche, a gagné sa gloire en composant toutes les inscriptions qui ornent les fontaines et les cadrans solaires. En général c'est plutôt tristou. Le bonhomme devait être un grand dépressif.
Exemple : Ultima necat (Sénèque), autrement dit : la dernière n'est pas un chat tue. En parlant de n'importe quoi. Si un de vos invités mange la dernière mini-quiche lorraine par exemple.
Sénèque avait la détestable habitude d'écrire son nom partout.
Cicéron
Cicéron a écrit tout le reste du latin. Il est à noter qu'il était avocat, et que donc les parasites ont survécu à l'antiquité.
Mythologie
La mythologie, c'est un peu comme le latin, à part qu'au lieu d'être une vieille langue, c'est des vieilles histoires. En général c'est des histoires de sexe, alors c'est rigolo. Mais les gens ont des noms à coucher dehors. À éviter si vous avez des problèmes d'élocution.
Anecdotes à la con
Le meilleur morceau pour faire le malin, ça reste les anecdotes historiques. On prend des gens crevés depuis au moins 200 ans (sauf dérogation pour les écrivains qui ne doivent être crevés que depuis une centaine d'années) et on raconte une histoire invérifiable, mais vraisemblable, qui aurait pu leur arriver. Il est assez bien vu d'y mettre du sexe.
Un générateur aléatoire d'anecdotes historiques vous est proposé ici :
Pierre III de Russie avait une fois tué un chimpanzé à coups de ceinturon, à tel point qu'on l'appela le Conquérant cinglé
Ça alors comme c'est vraisemblable.
Pourquoi acquérir une culture classique ?
Mais à quoi bon tout ça ? On pourrait penser que toute cette culture va vous permettre de vous sentir mieux. De vous élever spirituellement. En fait pas du tout. Mais ça peut vous aider à rabaisser les autres. C'est déjà pas mal.
Briller en société
L'autre grand avantage est la possibilité de profiter de vous mettre en valeur lors des soirées que vous fréquentez. À quoi bon, demanderez-vous peut-être. Mais à raconter à votre ami l'ambassadeur de Hongrie que vous avez cloué le bec à Hélène Carrère d'Encausse. On sait tous les deux que c'est une situation hypothétique. Ne cherchez pas à devenir ami avec l'ambassadeur de Hongrie. Je le connais. Il n'attend que ça pour nous déclarer la guerre. Vous ne voudriez pas qu'on soit bombardé avec de la saucisse au paprika ? Alors tenez-vous tranquille.
Mettons, par exemple, que vous soyez invité à une soirée d'ouverture pour l'exposition Averroès : un penseur moderne à l'Institut du Monde Arabe. En général, la conversation ressemble à ça.
À ce stade là, sans culture classique, déboussolé et seul, vous essaierez sans doute de quitter la conversation par tous les moyens, y compris en utilisant les excuses les plus invraisemblables.
Ce qui vous ferait rater les meilleurs moments de la discussion.
Quel dommage ! Alors que si vous étiez venu avec votre bagage culturel, la conversation aurait pu tourner à votre avantage :
Bien joué, vous avez pris la conversation à votre compte. Umberto Eco devrait vous inviter à passer prendre le thé vendredi prochain. Il y aura peut-être José Saramago et Paul Krugman. Une bonne soirée en perspective. Mais prenez quand même de l'aspirine.
Avoir des amis improbables
Comme avantage, il y a aussi la possibilité de se faire des amis dans l'élite culturelle. Ce sont des gens seuls. Impossible pour eux d'avoir un entretien avec une personne comme vous et moi. Enfin pas moi, parce que je suis cultivé. Comme vous surtout. Et arrêtez de croire que Charles Quint portait un costume fait de losanges multicolores.
Pas étonnant qu'ils soient seuls, si l'on en croit ce dialogue recueilli lors du cocktail d'ouverture de l'exposition Osamu Dazai : un penseur moderne.
Quel dommage ! Vous avez laissé passer une occasion en or de vous lier à un grand de ce monde. Mais bon, vous saviez même pas qui c'est, alors c'est pas si grave.
Prendre votre revanche sur des années de brimade
Excellente raison d'acquérir une culture classique, la vengeance. Vous êtes devant cette alternative :
- Vous devenez un terroriste fou qui menace de tuer 50 otages sauf si votre instituteur qui vous brimait en primaire résout votre série d'énigmes diaboliques. Bon c'est quand même une option assez délicate. Sans compter qu'un mauvais coup est vite arrivé. On sait jamais. Vous êtes sûr d'être bien couvert par votre assurance ? Juste au cas où. Mais je veux pas vous décourager. Ça peut être une idée. Cela dit, vu que vous vous enrhumez en allant à la piscine, il faudrait peut-être pas tenter le diable. Voilà, il faut dire ce qui est, vous êtes une lavette. Et même à vrai dire, j'ai jamais vu une merde comme vous. Allez, oubliez cette idée et passez à la deuxième option.
- Vous devenez sémiologue fou. Ça demande un peu de préparation. En général on commence par une licence de lettres modernes, mention étudiant fou, puis dirigez-vous vers un master de linguistique pour les fous, et terminez par un doctorat de sémiologie (choisissez-bien votre directeur de thèse, qu'il ait au moins été professeur 5 ans dans une université connue et 3 ans dans un asile haute-sécurité). Ça devrait vous avoir pris environ 8 ans. Puis, débrouillez-vous pour organiser une exposition quelconque, par exempe à l'Institut Catholique, sur le thème Thomas d'Aquin : un penseur moderne. Vous y êtes presque. Invitez votre ancien insituteur. Ça y est.
Éviter le ridicule
Autre situation incroyablement plausible, vous vous retrouvez au centre Georges Pompidou pour le cocktail d'ouverture de l'exposition Les sculpteurs post-modernes : des penseurs modernes. La conversation bat son plein entre Jorge Luis Borges et Elisabeth Schwarzkopf, sur l'héritage du Don Juan de Molière dans Rigoletto.
Vous venez de tomber dans le piège grossier qui vous était tendu. On n'a pas fini de rire de vous dans le microcosme de la culture. Vous auriez dû savoir que :
- La Callas n'a jamais chanté la Tosca à la Fenice
- On ne dit pas la Tosca mais Tosca tout court
- Tosca, c'est de Puccini
- La Callas n'a jamais chanté de Monteverdi à Turin
- La Fenice, c'est à Venise
- La Callas n'a jamais chanté la Tosca de Monteverdi
- Il n'y a jamais eu de représentation de la Tosca de Monteverdi à Turin
- La Callas n'a jamais chanté de Monteverdi à la Fenice de Turin
- Il n'y a jamais eu de représentation de la Tosca de Monteverdi à la Fenice
- La Callas n'a jamais jamais chanté à la Fenice de Turin
- La conversation est complètement hors-sujet
- Borges et Schwarzkopf sont morts et vous êtes en train de discuter avec une sculpture de Jeff Koons. Vous avez l'air bien con.
Tout le monde s'en fout, en fait, de ce que je raconte ?
Je crois comprendre qu'à ce stade de ce guide, la plupart de mes lecteurs sont morts d'hypersomnie. Tiens à propos d'hypersomnie, je crois que c'était Xénophon qui racontait...
Et merde.
Portail de l'Illittérature |
Cet article a été voté dans le "best of" de la Désencyclopédie! |