Listoir du gro chien rouges qui pué des pied
« Listoir du gro chien rouges qui pué des pied » est un roman d’une demi-page écrit par le petit Arthur, 8 ans, avant-hier dans le cadre de son apprentissage de la littérature française à l’école primaire de Grenoble.
Son histoire décrit la vie d’un animal fantastique et retrace ses tribulations dans un monde intemporel s’apparentant au nôtre en bien des points. Nous aborderons d’ailleurs ceci plus en détails dans la partie « Analyse » de cette étude, qui est, signalons-le au passage, très intéressante voire captivante. Oui, tout ceci est très intéressant. Et captivant.
L’histoire
Il s’agit d’une œuvre inscrite dans le mouvement dit de l’extra-réalisme. Le personnage principal, un animal mi-réel (un « gro chien »), mi-fantastique (un « chien rouges »), mi-sérable (un « chien qui pué des pieds »), évolue contre toute attente dans un cadre bien concret, la ville de Grenoble de nos jours.
Explication du titre
Le titre, et c’est bien là que repose le génie de l’auteur, pose immédiatement les jalons des péripéties que rencontrera le protagoniste tout au long du récit.
Le canidÉ manifestement un peu anthropomorphe du fait de sa possession de pieds, va vraisemblablement subir des désagréments dus à l’état de ceux-ci. Car le constat est sans détour : ses métatarses dégagent une odeur pestilentielle, et la présence de cette particularité dès le titre laisse présager une partie de l’embarras que va lui causer cette tare. Notre imaginaire s’active déjà pour tenter de se représenter les scènes potentielles qui animeront l’histoire, en se basant sur notre propre vécu :
Le titre annonce donc bien les difficultés à venir, et résonne comme un sombre présage. L’auteur a tout compris, contrairement à Maupassant qui appelle « Bel-Ami » un roman parlant de mort et de destruction sentimentale. C’est vraiment n’importe quoi, parce qu’en voyant « Bel-Ami », on s’attend à une histoire d’amitié et d’honnêteté, avec des liens sacrés, alors que là le type fornique à tout-va sans se soucier des sentiments de ses conquêtes qu’il détruit. A mon humble avis, un titre plus approprié aurait été « Bel-Enculé ». Là, on comprend : point de tromperie, de forfaiture et de malice. Maupassant est vraiment un amateur, un escroc et un menteur. Pas étonnant qu’il soit mort de la syphilis, et je vais même vous dire que c’est bien fait pour sa gueule. Voilà.
Résumé
Le livre se donne comme un journal intime, le narrateur s’y exprimant à la première personne. Il y rapporte ses états d’âme consécutifs aux actions de son compère canidé : le fameux chien dont les pieds puent.
Il été une foit le gro chien rouges a grenoble. Celuisi avé la patriculariter du pué les pied lol !
Au début de l’histoire, le personnage principal est décrit de façon neutre. Le lecteur est d’emblée frappé par l’implacable vérité de la condition de ce pauvre chien. Il pue des pieds et l’exclamation « lol » employé en fin de phrase pour signifier l’hilarité du narrateur nous laisse imaginer ô combien la situation doit être horrible pour cet innocent animal, physiquement condamné aux moqueries et aux quolibets, tel un vulgaire roux.
Un jours il faisa pipi sur la jembe de la voizine ki sappelé ivette mes que perszonelemen japelé la sorcierre qui put. El lui donne un cous de pied et il la morda sur le molé avec ces kro lol !
La force de l’auteur, on le voit ici, est de parvenir à sortir du carcan engendré par le choix de son titre, pour nous livrer une histoire basée sur une péripétie qui, de prime abord, n’a aucun rapport. De prime abord seulement, puisque là où le titre nous donnait un chien rouge sentant mauvais des pieds, on constate que la partie qu’il fallait retenir était finalement « chien ». Eh oui, car tel un chien classique, le héros urine n’importe où et s’attire les foudres d’une tierce personne : la voisine. Celle-ci, visiblement peu appréciée de son entourage, est l’archétype de l’agressivité gratuite. Aussi, plutôt que de blâmer l’innocent chien moche, elle lui assène un coup.
Le juj le condanis a la pène de maure (le tanasi par picure).
Tout le monde doit répondre de ses actes, et hélas pour le pauvre chien au physique original, la société est cruelle envers la différence, elle la craint. Nombre de handicapés mentaux se sont ainsi retrouvés derrière les barreaux, avec pour seul reproche leur disparité, cette inqualifiable maladie qui les ronge, et un gros wagon de femmes mutilées, mortes, violées, ou les trois à la fois. Dans le cas de notre héros, la situation est encore plus triste et injuste : il est condamné à mort sans autre forme de procès que son procès, alors qu’il est lui-même la victime de l’agression. C’est tragique, et bien la preuve que le délit de faciès demeure une réalité.
Hélasse le povre été alergik a la picure de tanazi et il mourit (il est maure apré la picure malzereseman pour luis !!!).
Contrairement à de nombreuses œuvres parmi lesquelles je vous citerai simplement « Thérèse Raquin » de Zola, le héros reste stable dans sa ligne de conduite tout au long du récit, et même jusqu’à sa mort. Celle-ci reste en effet à l’image de notre chien, bizarre et originale. Il faut savoir que dans « Thérèse Raquin », les deux amants tuent le mari de Thérèse pour copuler en paix. Jusqu’ici, rien d’illogique. Mais figurez-vous qu’ils deviennent au fil du roman complètement fous et veulent se tuer entre eux. Ils finissent même par se suicider lors d’une tentative simultanée de meurtre. N’importe quoi ! Des amants ! Zola était sans doute un ami de Maupassant pour écrire de telles absurdités.
Jé pleurer et ma mer ma acheter un poizson rouj ki pué des najoire (il avé pat de pied hé non logik xD) ! lol Moraliter : ma mer est sinpat.
Le propre d’un récit réside dans la conclusion. L’auteur l’a bien compris et nous livre une fin d’histoire rationnelle (le narrateur pleure la mort de son fidèle compagnon), et cohérente (la mère du narrateur, compatissant devant le chagrin, lui offre un nouvel animal moins véhément, mais de la même couleur). Je ne veux pas m’acharner, mais prenons l’exemple tout à fait fortuit de La Main, de Maupassant. Dans cette « œuvre », tout se termine par un mystère total : la main qui était accrochée au mur a-t-elle tué l’Anglais ? Est-ce une macabre coïncidence si celle-ci n’est plus enchainée ? Pourquoi Susan Boyle n’est-elle pas euthanasiée, vu la frousse qu’elle donne aux enfants ? Le roman se termine ainsi, avec un lecteur perplexe, se posant toutes ces questions. Et un peu frustré aussi, du genre : « Hé Maupassant fils de pute, ça te dirait pas de terminer ta daube pour que Philippe Noiret en fasse quelque chose de pourri MAIS COMPRÉHENSIBLE au cinéma ? »
Analyse
De l’orthographe
Au premier abord, le lecteur se rend compte de l’utilisation originale faite de la langue française.
L’auteur a réussi avec brio à nous mettre à la place du chien, dans sa tête, et à nous faire vivre le récit comme si nous y étions nous-mêmes. Les chiens, comme chacun le sait, ne possèdent en effet qu’une connaissance approximative de la langue française et des spécificités de son orthographe. Le choix délibéré d’écrire cette histoire avec des mots se rapprochant plus de la phonétique que de leur écriture réelle nous pousse donc à « réfléchir chien », à être des chiens.
A l’instar du canidé, nous voilà donc en train de déchiffrer cette langue qui est le français, à en deviner le sens et à agir en fonction, à gambader dans la forêt, à ronger un os de poulet.
Je viens de manger une croquette. Et c’est loin d’être aussi dégueulasse qu’on le pense.
Récit fantastique, ou critique sociétaire ?
Les deux, à vrai dire.
Étonnamment, alors même que le titre nous laisse entrevoir un héros hors du commun, tel Spiderman, il s’avère que celui-ci mène une vie de chien somme toute classique, dans un environnement réaliste, tel Jean-Louis Borloo. Dans ces conditions, on en arrive à se poser la question : mais est-ce réellement un chien rouge, ou s’agit-il d’un canidé dont la teinte rousse ne serait pas assumée ? Les roux ont en effet une fâcheuse tendance à cacher leur statut peu enviable en déclarant des phrases typiques, comme « je suis blond vénitien » ou « je pue pas, c’est l’eau de pluie qui a cette odeur étrange ».
La fantastique vient du fait que ce chien ait des pieds, ce qui personnifie cet animal, le rend plus humain et digne de compassion.
Rouge, symbole du communisme ?
Non, il ne faut pas déconner, non plus.
Comparatif Arthur / Maupassant
Alors que leurs écrits semblent de prime abord sans aucun rapport au niveau des thèmes abordés et des styles esthétiques utilisés, il s’avère finalement que l’écart n’est pas si grand qu’on pourrait l’imaginer. Ce n’est pas un grand écart comme en gymnastique, par exemple.
Maupassant, si l’on passe outre son pseudonyme qui ressemble selon moi à « mocassin », est un auteur correct qui a eu son petit succès un siècle auparavant. Le pessimisme prédomine tellement dans son œuvre qu’il ne devait pas être agréable de l’inviter en soirée à l’époque.
Ce qui diffère chez Arthur est essentiellement ce rapport à la réalité. Là où Maupassant nous donne des personnages qui se lamentent sur leur triste sort, le narrateur d’Arthur ponctue son tragique récit de « lol » complices, prouvant sa joie de vivre malgré tout ce qu’il advient. En résumé :
- Maupassant :
- Boule de Suif pleure d’avoir eu un rapport sexuel non consenti
- Bel-Ami ravage toutes ses conquêtes (émotionnellement, je préfère préciser : il ne les ravage pas, genre il les pilonne comme la bande de Gaza, avec sa teub)
- Arthur :
- Beaucoup de lol
- Que du lol et de la bonne humeur, on se croirait presque chez Cauet
L’autre point commun notable est la mort omniprésente. Maupassant adore faire clamser ses personnages, et Arthur le lui rend bien, puisque le chien meurt sans cérémonial particulier. Mais là encore, lorsque le premier nous livre bien souvent des morts inexpliquées par flemme, Arthur se démarque en nous offrant une suite, qui augure d’une nouvelle histoire passionnante à venir.
Troisième point notable, Maupassant était atteint de syphilis à force de promener son pénis dans divers endroits insalubres, au nombre desquels Régine devait bien figurer.
Conclusion
Aux lumières de cette analyse, vous savez désormais pourquoi j’ai osé mettre un 3/20 à votre fils Arthur. Ne me poursuivez pas en justice s’il vous plait, ma rente de maitresse d’école ne me permettant pas de recourir aux services d’un avocat à l’élocution correcte.
Nul besoin non plus de venir me donner des coups de poing ou de batte de base-ball sur le visage. Car en plus d’être extrêmement douloureux, cela n’aidera en rien mes capacités pédagogiques et creusera un peu plus le déficit de la Sécurité Sociale.
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