Boomerang

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« Mon boomerang s’appelle reviens. »
~ Jean-Luc Fonck
« Un sujet incontournable. »
~ Une fidèle lectrice à propos du boomerang.

Le boomerang est un projectile autonome inventé par les Aborigènes australiens. Il est aux sports de lancer ce que le palindrome est à la rhétorique.

Les Aborigènes australiens

Pour comprendre les origines du boomerang, il faut avant tout connaître l’histoire des Aborigènes australiens (ou AA). Comme chacun sait[1], il s’agit d’une peuplade primitive originaire d’Australie qui se caractérise par son évolution stagnante, véritable défi aux lois de Darwin. Pour bien comprendre cette stagnation, le mieux est de faire appel à un schéma à la fois récapitulatif et comparatif des espèces :

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Que nous apprend cette image ? D’abord que l'auteur de cet article ferait mieux de sous-traiter ses schémas à quelqu’un de compétent en la matière. Mais ce n’est pas tout. Elle montre sans ambiguïté qu’avant l’invention du boomerang, l’Aborigène australien se complaisait dans un immobilisme forcené, refusant les progrès de la civilisation dont nous avons pu profiter pleinement de notre côté. Mais à partir de l’invention du boomerang, tout change. À peine l’instrument mis au point, le peuple Aborigène voit son évolution prendre un virage aussi décisif qu’irrévocable puisqu’en quelques années il aura totalement disparu de la surface de la Terre au profit des descendants des anciens bagnards britanniques envoyés en Australie pour purger leurs peines.

Le lecteur attentif pourra ici se demander quel peut bien être le rapport entre le fait que la disparition des Aborigènes ait coïncidé avec l’invention du boomerang. Pourtant, en y réfléchissant un peu, la relation entre les deux est assez évidente. Mais, hélas, je ne vois pas d’autres moyens de l’expliquer qu’à l’aide d’autres schémas.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les aborigènes chassaient pour se nourrir à l’aide de javelots, lances, sagaies et autres armes de jet monodirectionnelles. La procédure était toujours la même : le chasseur repérait le gibier, visait et projetait son arme. À cet instant crucial, une alternative se produisait :

  • Si l’animal était touché, tout allait bien. Le chasseur parcourait le chemin de A à B destiné à récupérer sa proie et en profitait pour ramasser son arme qui pourrait ainsi resservir pour le prochain repas.
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  • Si le coup passait à côté, non seulement il n’avait rien à bouffer mais en outre il devait quand même se taper le chemin de A à B, et même aller au-delà pour récupérer son javelot ou sa lance de merde, perdant du temps et des calories, ce qui n’est pas raisonnable, surtout le ventre vide.
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Or, le 14 août 1903, en plein cœur de l’hiver[2], un Aborigène qui se croyait plus malin que les autres mais dont l’Histoire n’aura malheureusement pas retenu le nom en eut marre de marcher pour récupérer sa sagaie lorsqu'il manquait sa cible, d’autant qu’il était myope comme un kangourou myope et que cela lui arrivait fréquemment. Il décida donc séance tenante d’inventer une arme de jet qui aurait l’avantage de revenir à son lanceur en cas de ratage de la cible. Le boomerang était né. En même temps d’ailleurs que les premières lois physiques australes sur l’aérodynamique, la symétrie, l’interaction des forces de frottement, la portance et la dynamique des fluides.

Grâce à ce pas de géant technologique, on aurait pu s’attendre à ce que le peuple aborigène rattrapât son retard vis-à-vis du reste du globe. C’est tout le contraire qui se produisit. En effet, les conséquences de la chasse au gibier à l’aide du boomerang n’étaient plus du tout les mêmes. Lorsque le chasseur parvenait à frapper sa proie, pas de changement : il parcourait le chemin de A vers B, ramassait l’animal mort et en profitait pour récupérer son arme.

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Mais quand il manquait la proie, le boomerang, facétieux par nature, revenait vers son propriétaire à vitesse grand V et deux fois sur trois lui fracassait le visage, le tuant net. Hélas, parmi les caractéristiques propres à l’espèce aborigène, l’entêtement aveugle n’est pas la moindre. Lors, au lieu d’abandonner le boomerang pour revenir à des armes certes classiques et sans doute jugées désuètes mais moins létales pour le lanceur, les Aborigènes persévérèrent jusqu’à l’anéantissement total de la race.

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Puis arriva Paul Hogan dans le rôle mythique de « Crocodile Dundee » et le peuple Aborigène australien, non content d’avoir été anéanti, passa pour un con jusqu’à la fin des temps.

Le boomerang, un vrai sport

En tant qu’arme, le boomerang vécut ce que vivent les roses, l’espace d’un instant. Sa carrière aurait pu s’arrêter sur cet échec mais le boomerang n’est décidément pas un objet comme les autres. Comme la soupière ou la plaque d’égout par exemple. Il parvint à se reconvertir en tant qu’ustensile sportif, même si là encore il y eu quelques tâtonnements.

La course au boomerang

En 1964, les Jeux Olympiques d’été eurent lieu à Tokyo au Japon. À l’époque, la télévision en était encore à ses premiers balbutiements et les sportifs n’avaient pas peur d’explorer de nouvelles voies pour améliorer leurs performances, sans risquer de voir leurs pathétiques échecs postés sur Youtube. Ainsi, l’équipe d’Australie du relai 4 x 100 mètres eut l’idée originale lors de ces olympiades de remplacer le témoin que devaient se passer les relayeurs successifs par un boomerang. L’objectif était de gagner de précieux centièmes en lançant le boomerang, objet volatile par excellence, plutôt que de se transmettre un bout de bois de la main à la main. L’expérience prometteuse s’arrêta à la mort par décapitation du premier relayeur australien. Dès 1965, le CIO décida que ce serait quand même mieux de préciser certaines règles restrictives quant à la forme et à l’utilisation du témoin.

Le lancer de boomerang

Pour autant, l’athlétisme n’en avait pas terminé avec le boomerang. Dès l’olympiade suivante (Mexico, Mexiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiicooooooooooooooooooooooooooooo en 1968), le CIO décida d’introduire le boomerang en tant que nouvelle épreuve de lancer en athlétisme, après avoir longtemps hésité avec l’enclume et le stérilet. Seuls 11 athlètes se mirent sur les rangs pour se disputer la médaille d’or. Le tableau ci-dessous récapitule le palmarès :

Nom Pays Distance Classement
Sarkko Eminem Finlande 0,0 mètre 1er (médaille d’or)
Paul Hogan Australie 0,0 mètre 1er (médaille d’or)
Parker Stevenson USA 0,0 mètre 1er (médaille d’or)
Malcolm Clarke USA 0,0 mètre 1er (médaille d’or)
Dimitri Koroniev U.R.S.S. 0,0 mètre 1er (médaille d’or)
Ingrid Wassermann R.D.A. 0,0 mètre 1ère (médaille d’or)
Serge-Étienne Touré Congo belge 0,0 mètre 1er (médaille d’or)
Piotr Swarzevski Pologne 0,0 mètre 1er (médaille d’or)
Zinedine Douglas USA 0,0 mètre 1er (médaille d’or)
Wang Xeng Tao République Dominicaine 0,0 mètre 1er (médaille d’or)
Hugues Poucassère France abandon 11ème

L’idée ne fut pas reprise quatre ans plus tard. Ni jamais.

Le boomerang-rugby

Pour promouvoir son sport, le club parisien du Stade Français de Boomerang-Rugby (SFBR) édite tous les ans depuis cette année un calendrier coquin (ici l’arrière Jean-Pierre Leroux pour le mois d’octobre).

Puisque le boomerang semblait finalement moins adapté qu’attendu pour les épreuves d’athlétisme, plus tard émergea l’idée d’en faire un accessoire pour sport collectif. En hommage à l’Australie qui l’avait vu naître, le boomerang fit naturellement son apparition dans le monde du rugby, l’Australie étant une des nations-reines de ce sport. Le boomerang-rugby reprend mot pour mot les principes du rugby moderne. Il se joue à 15 contre 15 avec des règles incompréhensibles qui changent à peu près toutes les deux semaines et un score qui n’a ni queue ni tête. La seule différence entre le rugby et le boomerang-rugby se situe au niveau des joueurs : chacun d’entre eux doit tenir en permanence un boomerang dans chaque main pendant toute la durée du match (2 x 40 minutes plus d’éventuels arrêts de jeu).

Physique du boomerang

Au-delà de son utilisation en tant qu’arme ou objet de loisir, le boomerang est avant tout un véritable défi aux Lois de la physique. Pour bien comprendre son fonctionnement et la façon dont il se meut dans l’espace, il faut – encore une fois – faire appel à un schéma explicatif édifiant :

Vue classique d'un boomerang dans l'espace.

Comme on le voit, la forme du boomerang est parfaitement adaptée à son environnement. Dans quelque sens qu’on le prenne, tout n’est que perfection et on comprend aisément qu’un objet issu d’une maîtrise technologique aussi poussée puisse encore aujourd’hui subjuguer les foules qui en restent coites d’admiration.

Pris dans l’autre sens, c’est au moins aussi bien.

Aspect technique

La maîtrise technique du lancer du boomerang est un jeu d'enfants. À ceci près que les enfants lancent plus volontiers des cailloux dans l'eau que des boomerangs dans l'air, qui n'est pas leur élément favori. Mais le parallèle reste valable.

Le lancer

Pour lancer le boomerang, on commence par le tenir dans la main, on produit un mouvement de recul du bras au niveau de l'épaule, puis on projette le tout violemment vers l'avant en n'oubliant pas de lâcher le boomerang au moment idoine, c'est à dire avant que l'inertie du bras ne fasse que le boomerang fracasse votre genou. Idéalement, il est conseillé d'accompagner le moment du lâcher d'une esthétique et rapide flexion du poignet, ce qui permettra d'imprimer au boomerang le mouvement de rotation qui fait tout son charme.

La trajectoire

L'étape suivante n'est plus du ressort du lanceur. Lancé à une vitesse prodigieuse, le boomerang va débuter son périple en suivant une trajectoire purement rectiligne. À mi-chemin, il va stationner quelques secondes en l'air en tournant sur lui même avant d'entamer le trajet de retour vers le lanceur. J'ai la flemme de faire un autre GIF animé pour montrer ça alors essayez d'imaginer par vous même ce que ça pourrait donner. Merci.

L'arrivée

La phase terminale du retour du boomerang est sans doute le moment le plus délicat pour le lanceur. Le boomerang, lui, s'en contrefout. Par principe, le boomerang retourne toujours à son point de départ. Le lanceur fait donc face à une alternative : soit tenter de l'attraper au moment de son retour, soit fuir dans la direction opposé le plus rapidement possible pour espérer échapper au retour de bâton. Mais le boomerang est un objet têtu. Grâce à son sonar, à sa tête chercheuse et à son odorat digne d'un chien douanier en manque, il sera capable de pourchasser son lanceur jusqu'à le rattraper afin de ne pas faillir à sa réputation. « Le boomerang, c'est le fils prodigue des armes de jet », disait Sun Tzu.

À la conclusion de cette procédure en trois étapes (lancer, trajet, réception), on dit que le boomerang a « respecté l'équilibre cosmique » puisqu'après un lancer réussi, le système lanceur-boomerang est restitué dans son état originel, à quelques ecchymoses près.

Influence du boomerang

Cet équilibre cosmique se retrouve également dans le rôle que joue le boomerang au niveau de l'écosystème planétaire. Dans les années 1970, alors que l'industrie australienne du boomerang était à son apogée, des centaines de cargos chargés de dizaines de millions de boomerangs sillonnaient les mers pour approvisionner le reste du monde, permettant à l'archipel de réaliser d'excellents retours sur investissement. Mais en 1979, un gigantesque cyclone ravagea tout la flotte de cargos remplis de boomerangs qui dès lors se déversèrent dans le Pacifique puis se répartirent au gré des courants dans tous les autres océans. Plein de ressources, la plupart des boomerangs purent survivre - peut-être en se nourrissant de plancton - mais n'eurent de cesse depuis lors de retrouver leur port d'attache d'origine, réalisant d'incessants va-et-vient. C'est de cette époque que date le phénomène des marées et l'internement de l'auteur de ce paragraphe con comme la lune.

Le drame de l'abandon de boomerang

Régis Wargnier n'a pas hésité à consacrer tout un film au drame de l'abandon du boomerang.

Au moment de partir en vacances, le propriétaire d'un boomerang doit bien souvent faire face à un dilemme. Suite à des abus et des dégradations répétés[3], de nombreux propriétaires fonciers refusent la présence de boomerangs dans les habitations qu'ils proposent à la location. Le boomerang ne pouvant bien évidemment pas rester seul à la maison pendant tout le mois d'août (ni même juillet), son propriétaire est souvent contraint de s'en débarrasser pour éviter de perdre les arrhes. Par réflexe, il choisira la voie de la facilité : pendant le trajet sur l'autoroute, il ouvrira sa fenêtre et lancera le plus loin possible son boomerang ni vu ni connu. Mais c'est oublier un peu vite la nature intrinsèque du boomerang, objet empreint de fidélité. À peine jeté, le boomerang va faire en sorte de retourner à son propriétaire par tous les moyens dont il dispose, au risque de briser la lunette arrière du véhicule dudit propriétaire. Les propriétaires de grands-mères ne connaissent pas de tels soucis.

On soulignera en outre que la presse se fait souvent l'écho de boomerangs particulièrement intelligents qui sont parvenus à parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour revenir à leur propriétaire. De quoi se décourager.

La rançon du succès

Mais revenons à notre boomerang. En raison de son succès commercial, le boomerang australien a bien souvent été copié, plagié, dupliqué, lancé et rattrapé. Voici quelques exemples symptomatiques de modèles de boomerangs contrefaits (liste non exhaustive) :


Le boomerang nazi

Fruit de la recherche de ses meilleurs ingénieurs juifs qui n'avaient pas encore lâchement fui vers les USA sans espoir de retour, le boomerang nazi se voulait une amélioration de la version australienne en ce sens qu'il devait combiner la puissance de quatre boomerangs pour en quadrupler l'efficacité létale. Puis finalement Adolf Hitler décida de lancer la production d'une bombe atomique à la place.

Hitler voulait faire du boomerang l'étendard de la puissance de l'armée allemande.
Le boomerang américain

Jaloux du succès du boomerang australien, les américains voulurent bien entendu adapter le boomerang à leur marché. Pour brouiller les pistes, il décidèrent d'appeler leur boomerang "Frisbee". Suite à un défaut de conception, ils se rendirent compte qu'à part par grand vent, il ne retournait jamais à son lanceur. Alors il décidèrent de le commercialiser en bundle avec un chien.

Si on lance le chien, un véritable boomerang est capable de le rapporter à son maître.
Le boomerang chinois (ou boomelang)

Depuis quelques années, c'est le boomerang chinois qui phagocyte le marché. Fabriqués par des enfants en bas âge qui travaillent à la chaîne plus de 15 heures par jour, il sont produits en milliers d'exemplaires par semaine et sont envoyés dans les pays industrialisés. Mais ils sont bien entendu de piètre qualité, à base de plastique ou de bois médiocre. Et bien souvent, les acheteurs déçus décident de les renvoyer directement au fabricant, ce qui paradoxalement les rend soudainement conformes à la nature prodigue du boomerang originel.

Schéma de montage d'un véritable boomerang australien récupéré par les services secrets chinois à des fins de contrefaçon.

De la fainéantise

Là, normalement, pour conclure, j'avais le projet de réécrire tout le texte à l'envers, du dernier au premier mot. Une façon d'illustrer le principe de retour du boomerang pour les crétins qui n'auraient pas compris. Mais en fait ça me fait chier donc si vous pouviez me rendre le service de relire vous même l'article en commençant par la fin, ça m'ôterait une épine du pied.

gnaremooB

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Notes

  1. Je déconne
  2. Mais oui, réfléchissez un peu que diable
  3. Rappel : le boomerang doit principalement être utilisé en extérieur

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