L'Aventure de la Création
« L’Aventure de la Création » est un célèbre article publié sur la dÉsencyclopédie en décembre 2010 dans le cadre d’un concours appelé le Désencyclothon et qui raconte la lutte acharnée entre un auteur confirmé pourtant en quête d’une reconnaissance méritée et un jury quelconque[1].
L’auteur
Né au cours du XXe siècle, l’auteur de « L’Aventure de la Création » est une sorte de mélange entre Victor Hugo, Jean Cocteau et le catalogue de Noël de Toys’R’Us, trois personnages illustres dont le talent n’a d’égal que la prodigalité en matière de production. Physiquement, il ressemble un peu à sa mère et beaucoup à un copain de son père. Possédant un QI de 139 au garrot, ses connaissances vont de la calligraphie japonaise à la meilleure façon d’accommoder le lapin aux airelles en passant par les avantages du 4-3-3 face à un adversaire adepte de la stratégie en losange avec un seul milieu récupérateur.
Le jury
C’est une bande de tarlouzes.
Origine de l’œuvre
Les différents biographes de l’auteur de « L’Aventure de la Création » sont d’accord sur un point : l’origine de ce qui fut son chef d’œuvre se situe le 2 novembre 2010. Mais comme c’est raconté dans l’œuvre elle-même, autant la lire directement.
« L’Aventure de la Création »
Chapitre I
C’était par un froid matin de novembre comme on en fait tous les ans depuis les débuts du calendrier grégorien. L’auteur détestait cette période. Non pas pour de basses raisons météorologiques mais tout simplement parce qu’elle succédait à plusieurs semaines de créativité intense pendant lesquelles il s’était littéralement senti planer, débordant d’imagination et de trouvailles. Mais comme à chaque fois, la descente survenant après une telle période extatique était aussi vertigineuse qu’inéluctable. Et depuis plusieurs jours maintenant, il se traînait devant son écran, sachant pertinemment que l’inspiration, muse chimérique, le fuirait encore.
Il avait essayé tous les subterfuges habituels pour tenter de relancer sa machine à imaginaire. Il avait lu la presse quotidienne régionale pour apprendre que les poussins du Football Club de Janglin/Oise avait fini 6ième à la Coupe Intercantonnale de Meurigny et que le « Tueur au Topinambour » sévissait toujours à Lourmois. Heure après heure il avait scruté la télévision à des heures et sur des chaînes indues pour finalement apprendre que Giuseppe était déjà fiancé et n’avait donc rien à faire dans l’émission « Qui veut épouser mon fils ? ». Il avait même tenté de naviguer au hasard sur Wikipédia en quête d’un thème à parodier pour finalement apprendre que la ligne B du tramway de Grenoble faisait 8,9 km de longueur pour une vitesse commerciale moyenne de 16,7 km/h. Mais aucune de ses tentatives n’avait déclenché cette petite étincelle de fulgurance qu’il ressentait à chaque fois qu’il se sentait envahir d’une idée qui pourrait permettre d’enfanter d’un article potable.
Et comme toujours, pendant quelques secondes, l’envie lui prit de tout abandonner.
Puis au cours de l’après-midi du 2 novembre, il fut rattrapé par son destin. Par quelque procédé magique dont on ne connaîtra jamais l’origine ni palpera la réalité, il comprit qu’il devrait écrire un texte dont le thème central serait l’aventure. Tout de suite il imagina 1 000 voyages exotiques, 1 000 héros inexpugnables, 1 000 combats acharnées pour la survie, 1 MST attrapée dans un bordel asiatique mal famé... Sa route était tracée. Il avait un but, un objectif, il devrait s’y tenir, coûte que…
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Interrompu en plein milieu d’une phrase par une voix inconnue mais qui semblait pourtant bien le connaître, l’auteur se demanda s’il n’avait pas eu tort de reprendre trois fois du cassoulet à midi. Était-ce la folie qui parlait dans son dos ? Avait-il rêvé ? Il décida d’aller se reposer après avoir terminé son chapitre.
...coûte. Quoi de plus palpitant à raconter qu’une histoire romanesque et aventureuse explorant les confins de notre bonne vieille Terre et pourquoi pas au-delà. Avant même de trouver une trame à son texte, il décida de commencer par tirer le portrait de son héros principal. Il aimait agir ainsi car il pensait que le caractère du personnage définissait naturellement ses actes futurs qui seront les jalons de ses aventures. Il lui fallait absolument trouver un nom qui frapperait l’imagination du lecteur. Un nom qui sentirait l’écume de la Mer des Caraïbes, les vents chauds du Sahara, l’Air Wick des toilettes des hôtels Mercure. Il ne lui fallut que quelques minutes pour trouver ce qu’il cherchait : son héros s’appellerait…
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Cette fois l’auteur ne put nier l’évidence. La voix provenait bel et bien de son ordinateur. Mais pas des enceintes qui étaient éteintes comme il le vérifia fébrilement. Non. C’est son propre texte qui lui parlait à travers l’écran de son PC ! Cette histoire pourtant à l’état embryonnaire semblait avoir pris vie. Incrédule et émerveillé à la fois, l’auteur qui avait pourtant connu des centaines de fois l’expérience de l’écriture devait pour la première fois faire face littéralement à une de ses créations. Et une pas commode par-dessus le marché. Il se sentait comme Frankenstein face à un monstre lexical.
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Et là l’auteur se rendit compte qu’en dépit du fait que son texte était doué d’intelligence, il était totalement inculte. Comme la plupart des gens, il pensait que Frankenstein était le nom de la créature dans le roman de Mary Shelley alors qu’il s’agissait précisément du nom du savant qui l’avait créée. Ce constat fut un déclic pour l’auteur. Cela lui prouvait que sa création avait au moins raison sur un point : elle était imparfaite et ne pouvait pas en l’état se mesurer à d’autres. Et plutôt que d’essayer de l’améliorer, il décida tout bonnement de l’effacer et de recommen...
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Chapitre I
En découvrant le thème du dernier Désencyclothon de l’année 2010, l’auteur traversa des phases allant du scepticisme à l’incrédulité en passant par la colère et l’anxiété.
En maugréant il tapait frénétiquement sur son clavier d’ordinateur comme si du chaos de lettres allait sortir une miraculeuse histoire dont il semblait avoir perdu la recette d’écriture.
Bien qu’ayant déjà vécu cette scène la veille, l’auteur fut encore une fois pris au dépourvu par cette voix d’outre-écran. D’autant qu’elle était radicalement différente de celle de la dernière fois. Autant la première voix de la première fois semblait agressive et antipathique, autant l’actuelle paraissait apaisée et amicale. Du coup il se calma et décida que tant qu’à sombrer dans la folie la plus complète, autant essayer d’en tirer quelque chose de positif et de concret.
En disant ces mots, l’auteur remarqua que le texte à l’écran semblait tout à coup s’incurver vers le bas comme pour lui sourire. Et il comprit alors. Mais bien sûr, c’était là toute la clé ! L’histoire qui lui parlait était précisément le fruit de son imagination et elle était donc la preuve qu’il était capable de créer. Ragaillardi, il exulta et prit les bords de l’écran de son ordinateur entre ses mains.
Ému par la sincérité et la lucidité de sa création, l’auteur se sentit à la fois fier d’avoir engendré une histoire aussi poignante et navré de devoir l’achever aussi abruptement.
Chapitre I
Malgré le froid et la pluie, l’auteur se leva en ce matin de novembre tout empreint d’une motivation et d’une inspiration nouvelles. C'était décidé : dès qu’il aura fini son petit déjeuner, il entamera le premier chapitre de ce qui sera la meilleure histoire d’aventure qu’il n’ait jamais écrite. Et ces tarlouzes de jurés n’auront qu’à bien se tenir. Il se sentait tellement plein d’énergie qu’il décida même de sauter le repas et de commencer tout de suite son histoire :
Je me le rappelle, comme si c’était d’hier. Il arriva d’un pas lourd à la porte de l’auberge, suivi de sa cantine charriée sur une brouette. C’était un grand gaillard solide, aux cheveux très bruns tordus en une queue poisseuse qui retombait sur le collet d’un habit bleu malpropre ; il avait les mains couturées de cicatrices, les ongles noirs et déchiquetés, et la balafre du coup de sabre, d’un blanc sale et livide, s’étalait en travers de sa joue. Tout en sifflotant, il parcourut la crique du regard, puis de sa vieille voix stridente et chevrotante qu’avaient rythmée et cassée les manœuvres du cabestan, il entonna cette antique rengaine de matelot qu’il devait nous chanter si souvent par la suite :
Nous étions quinze sur le coffre du mort...
Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum !
Après quoi, de son bâton, une sorte d’anspect, il heurta contre la porte et, à mon père qui s’empressait, commanda brutalement un verre de rhum. Aussitôt servi, il le but posément et le dégusta en connaisseur, sans cesser d’examiner tour à tour les falaises et notre enseigne.
Mon père lui répondit négativement : très peu de clientèle ; si peu que c’en était désolant.
Un roman de Robert Louis Stevenson souhaiterait intervenir. |
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Blanc comme un linge, l’auteur se sentit pitoyable. Qui espérait-il tromper sous ses dehors faussement sûr de lui ? Plagier une histoire aussi connue et ne compter que sur l’inculture du jury pour tenter de la faire passer comme nouvelle et originale, c’était bas et puéril. Il était pourtant presque soulagé que le roman soit intervenu pour mettre fin à cette escroquerie, bien qu’il pensait au fond de lui avoir limité les risques en copiant la traduction française. Mais il s’avéra que « L’Île au Trésor » était parfaitement bilingue. Au moins évitait-il ainsi la honte terrible d’être démasqué plus tard. Mais hélas et encore une fois, ce premier chapitre se termina en queue de poisson.
Chapitre I
Seul et déprimé après plusieurs tentatives de création toutes infructueuses, l’auteur avait fini par s’écrouler de fatigue sur son clavier qui depuis lors répétait la lettre T sur la fenêtre de son éditeur de texte. Au bout de quelques heures, les lettres à l’écran commencèrent à s’animer et à s’agencer en forme de bouche, comme si cette transformation était censée justifier que le texte se mette à parler. C’est somme toute ridicule car un texte qui parle reste totalement aberrant, quelle que soit sa forme.
Le sommeil était léger et le réveil fut rapide. Ouvrant les yeux, les cheveux ébouriffés et la bave séchée à la commissure des lèvres, l’auteur fit face à la bouche.
Ces mots résonnèrent dans le cerveau de l’auteur comme un truc qui résonnerait dans un cerveau. Il se demanda pourquoi il n’y avait pas pensé plus tôt : pourquoi se faire chier à plagier un roman archi-connu alors qu’il avait sous la main des débuts d'histoires qu’il avait écrits lui-même et qu'il n'avait jusqu’alors jamais publiés ? Bien sûr, il faudrait sans doute les étoffer et les retravailler un peu mais ça lui donnerait sans doute pas mal de matière pour démarrer.
Chapitre I
Vous qui entrez dans cette histoire pleine d’aventure, prenez garde. Les révélations qu’elle contient vous changeront à tout jamais et je vous demande d’alerter le plus de personnes autour de vous au cas où... Non, ne fuyez pas, il ne s’agit pas d’une chaîne de lettres, d’un système pyramidal ou d’une publicité déguisée pour acquérir pour seulement 99€99 la bague magnétique magique du Docteur M’Foua Bouanami, chef-mage de la tribu des M’Tomona-Gome (Centre Afrique) retour de l’être aimé, chance, massacre dans d’atroces souffrances de vos ennemis, assurance de revenir de la chasse avec beaucoup de gibier et possibilité d’acquérir une 405 Peugeot à moindre frais, paiement par Carte Bleue acceptée. Non cela n’a rien à voir. Cete histoire parle d’une Malédiction, avec un M majuscule comme quand on écrit Moules-frites avec un M majuscule, c’est pour dire.
Le mieux pour comprendre cette histoire est de la lire et le mieux pour l’expliquer est de l’écrire.
Nous sommes en 1804. Le professeur Lance Logan, célèbre égyptologue anglais, décida pour la cinquième fois en 8 ans d'explorer la célèbre pyramide de Khermeops, IIIe Pharaon de la dynastie des Atréides. Il allait sans doute connaître plein d'aventures. Oh la la alors là c'est sûr et certain le type qui part en Égypte... Dans les pyramides en plus. Pyramide = malédiction et donc il va lui arriver des trucs où il frôlera la mort et même des fois on croira qu'il est bel et bien mort et puis au chapitre suivant, pouf, il reviendra pour de nouvelles aventures exotiques du bout du monde. Y aura des tas de gonzesses aussi. Parce que il est courageux, mais il est aussi très fort avec les nanas. Mais il les oubliera vite pour retourner à ses aventures car cette histoire est d'abord une histoire d'aventures (au pluriel même). Et après à un moment donné vers la fin il trouvera la carte d'un trésor caché sur une île en plein milieu de la mer et il partira le chercher.
Un roman de Robert Louis Stevenson souhaiterait intervenir. |
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FIN
Chapitre I
Quelques minutes plus tard...
Chapitre I
Première épreuve : demander son chemin à un parisien
Le premier candidat sera Mohammed. Résistera-t-il à la pression ?
Le Best-of de la Désencyclopédie souhaiterait intervenir. |
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Dernier chapitre
Et après cet ultime tentative infructueuse, l’auteur suivit les conseils des articles les plus sages et les plus admirés et décida qu’il était sans doute temps de raccrocher les gants, d’autant qu’il n’avait jamais aimé s’en servir avec son clavier d’ordinateur. Il prit son édition rare de « 20 000 lieues sous les mers » et entreprit de la relire une énième fois, comme pour se libérer du carcan dans lequel les histoires d’aventure l’avaient entravé. Et quelques heures après, alors qu’il en était à peu près à la moitié du roman, le livre commença à s’animer comme l’avait fait « l’Île au Trésor » et il lui dit tout simplement :
Puis le livre se tut et se referma. L’auteur regarda la couverture qu’il croyait pourtant connaître par cœur mais il comprit instantanément le message qui venait de lui être délivré. Un mot, un seul était écrit tout en bas de la couverture, un mot qui a lui seul permettait au lecteur d’entrer dans un nouvel univers. Alors l’auteur se dit « C'est ÇA que je dois faire ». Il prit son journal intime qu’il tenait méthodiquement jour après jour. Il copia dans un nouveau texte tout ce qui lui était arrivé depuis ce 2 novembre où sa vie créatrice avec basculé dans le néant. Et tout en bas de ce texte, il ne signa pas, non. Il écrivit tout simplement en reprenant l’exemple de son roman fétiche : [[Catégorie :Aventure]]. Il ne leur en faudrait pas plus à ces tarlouzes de jurés.
Notes pleines d'aventures
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